Cours 2 : Les mécanismes de défense et d’adaptation (Psychologie et santé)
Le 19 octobre 2009, sur Le blog de SDB

  

Les mécanismes de défense et d’adaptation

 

 

 

I) Définition :

 

« Les mécanismes de défense représentent la défense du moi contre les pulsions instinctuelles et les affects liés à ces pulsions » (A.FREUD, 1936).

Les mécanismes de défense sont inconscients et involontaires.

 

-Ils servent à protéger la conscience d’une émotion douloureuse ou inacceptable.

-Ils ont pour objectif la réduction de tensions psychiques.

 

-Normalement les mécanismes de défense :

                                                 -Protègent la cohésion de l’appareil psychique.

                                                 -Facilitent l’adaptation au monde externe.

 

-         Un certains nombre d’entre eux sont utilisés de façon permanente et banale.

-         C’est ce qui donne naissance aux « traits de caractères » des personnalités saines.

 

-         Un sujet n’est jamais malade « parce qu’il a des défenses » mais parce que les défenses qu’il utilise habituellement s’avèrent :

                                          -Inefficaces

                                         -Trop rigides

                                         -Pas assez variées

                                         -Trop fréquentes

                                         -Mal adaptées à la réalité interne et externe.

 

Dans ce cas les mécanismes de défense perturbent le fonctionnement psychique au lieu de le protéger.

 

            -On distingue :

 

                        -les mécanismes de défenses, qui visent la réduction de la tension pulsionnelle et de l’angoisse qui en résulte.

 

                        -les mécanismes de dégagement, qui visent un aménagement des conflits                internes du sujet pour s’adapter à une situation externe difficile (ex. Travail de deuil, ou familiarisation avec une situation difficile ; hospitalisation, annonce d’une maladie etc.)


  Ces derniers sont temporaires. S’ils perdurent, ils signent la difficulté du sujet à surmonter l’évènement difficile (ex. : Deuil bloqué).

 

Il n’y a pas de consensus sur le nombre de mécanismes de défenses. Suivant les auteurs, leur nombre peut varier de 17 (Laplanche et Pontalis) à 43 (Bibring et Valenstein).

 

 

 

II) Les principaux mécanismes de défense du patient face à ses angoisses :

 

 

1)    Le refoulement :

 

C’est un rejet dans l’inconscient des représentations désagréables ou douloureuses. Le patient pense et dit que « tout va bien » mais les éléments refoulés restent actifs dans l’inconscient et remontent (retour du refoulé). Le sujet va alors ressentir des symptômes (angoisses, tensions, troubles du sommeil) sans faire le lien avec sa situation « je dors mal en ce moment, c’est sans doute l’âge… »

 

2)    La dénégation :

 

                     Le patient a intégré la réalité mais il la nie et la refuse. Il a besoin de temps pour l’accepter.

                        « Je me sens fatigué en ce moment,  ce n’est pas à cause de mon cœur ! »

                        Le conflit se situe entre le moi et le ça.

                        Il faut laisser au patient le temps de s’adapter à la maladie.

 

3)    Le déni :

 

                   Le patient refuse totalement la réalité. « Je ne suis pas malade ! »

                        Conflit entre le moi et le monde extérieur.

                        Il n’y a pas de refoulement, c’est un refus pur et simple de la réalité.

                        Il faut respecter le déni et éviter de ramener le patient à la réalité de façon trop                        brutale (risque d’effondrement).

                        Le déni est souvent à l’origine du mauvais suivi des prescriptions.

 

                  

         4)    La fantasmatisation :

 

                   Le patient va développer une théorie personnelle plus ou moins fantasque pour                       tenter de donner du sens à sa maladie. « Le médecin m’a donné
                     un médicament incompatible avec le tabac. C’est lui  qui m’a déclenché le cancer ! »

                        La fantasmatisation peut aller de pair avec le déni « Ce n’est pas une tumeur, 
c’est une piqûre d’insecte qui m’a déclenché une infection ».

                       

 

5)    La régression :

 

                   Le patient va revenir à des positions infantiles renvoyant à des stades antérieurs                       de son développement (cf. : Stades psychosexuels de Freud).

                        Il va se montrer passif, soumis, laissant aux soignants le soin de tout décider. Le patient perd toute autonomie et devient dépendant.

                        Il s’agit bien d’une défense destinée à se protéger de la souffrance et de l’angoisse et celle-ci peut parfois laisser place à une brusque explosion de colère une fois le moment régressif passé.

 

 

6)    L’isolation et le déplacement :

 

                   Le patient va intégrer l’information (ex. : annonce d’une maladie grave) sans                ressentir l’affect d’angoisse qui y est associé. Il peut poser des questions sur le traitement et rester tout à fait calme et serein. L’angoisse va être déplacée sur un autre élément moins angoissant (ex. peur que la vaisselle de l’hôpital soit mal lavée)

 

7)    L’annulation :

 

                        C’est la forme la plus radicale de la dénégation. L’annulation efface purement              et simplement l’annonce vécue comme inacceptable.

                        Le déni = C’est impossible !

                        L’annulation = ça n’a jamais existé !

                        Ex. : « -Monsieur, votre épouse n’a pas survécu à l’accident.

                                   -Est-ce que je peux lui parler ?  Quand pourra t’elle rentrer ?»

                        L’annulation ne dure pas, elle est ensuite relayée par d’autres mécanismes de              défense. Elle indique que le sujet va avoir besoin d’être soutenue pour faire face à un évènement intolérable pour lui.

 

8)    La projection agressive :

 

                   Le patient n’arrive pas à reconnaître en lui ses sentiments et affects alors il les              projette sur l’extérieur. Il se sent agressé par sa maladie et fait un amalgame avec l’équipe soignante qu’il perçoit comme un agresseur. Il va se monter alors très difficile avec les soignants. Cela peut aller de simples critiques à l’insulte et même la violence. Il s’agit d’un mécanisme de défense très archaïque                          témoignant d’une personnalité fragile et peu structurée.

 

 

9)    La maîtrise :

 

                   Le patient va tenter de contenir son angoisse en ayant une attitude de contrôle                         et de vérification de tout ce que fait l’équipe soignante. Il semble mettre en doute le traitement, les posologies, se montre critique voire tyrannique.

                        Ce type de patient est très éprouvant pour l’équipe soignante qui peut se sentir                       remise en cause dans sa compétence, et la confiance qu’on lui accorde.

                        Il faut savoir repérer ce mécanisme pour comprendre que « les attaques » ne vous sont pas destinées personnellement mais permettent au patient de tenter de reprendre
le contrôle de sa vie
 face à une angoisse vécue comme  insupportable.

 

Les mécanismes de défense suivants correspondent à un niveau adaptatif élevé face à l’angoisse. Plus élaborés, ils sont utilisés comme mécanismes de dégagement. Parfois après utilisation des mécanismes précédents, quand le patient a pu intégrer correctement son état.

 

10)           La sublimation :

 

                   Elle permet de canaliser des impulsions potentiellement inadaptées vers des                                  comportements socialement acceptables
(ex. sport de contact / agressivité, création artistique / mal être)

                        Ex : Une patiente en rémission après un cancer a repris ses études et a ensuite                         travaillé en oncologie pour aider d’autres patients.

 

 

11)           L’humour :

 

                        C’est une réponse « soulignant les aspects amusants ou ironiques des                          conflits ou des situations de stress ».

A ne pas confondre avec le sarcasme qui a une fonction de dévalorisation de   l’autre)

 

12)           L’anticipation :

 

C’est une réponse « aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress internes ou externes en éprouvant les réactions émotionnelles par avance ou en anticipant les conséquences d’un possible évènement futur et en envisageant les réponses ou solutions alternatives réalistes ». L’anticipation, comme mécanisme adaptatif, doit rester réaliste. 

A ne pas confondre avec l’anticipation anxieuse dans laquelle le sujet est débordé par son anxiété ce qui alimente des pensées exagérant les difficultés (ex : anticipation d’une intervention chirurgicale).

 

 

13)           La répression (ou mise à l’écart) :

 

                   Est une réponse aux conflits et stress « en évitant délibérément de penser à des                       problèmes, des désirs, des sentiments ou des expériences pénibles ».

                        Pour rester adaptative la répression doit rester souple.

                        Ex. : Le patient ne pense plus à l’intervention jusqu’au jour J.

                       

 

 

 

 

14) L’affiliation :

 

                   C’est une réponse aux conflits et aux stress « en se tournant vers les autres pour                     chercher de l’aide ou du soutien. Cela implique un partage des problèmes avec                  les autres mais non de les rendre responsables ».

                        Ex. : Tous les groupes de paroles de patients ou associations d’anciennes                               victimes…

 

III) Les principaux mécanismes de défense en jeu chez le soignant :

 

Les soignants sont aussi soumis à l’angoisse.

L’angoisse chez le soignant peut avoir plusieurs sources :

 

            -Angoisse devant la souffrance du patient.

            -Angoisse de mal faire ou de ne pas savoir faire.

            -Angoisse liée aux relations avec les familles.

            -Mal-être institutionnel (mauvaise communication dans l’équipe, dysfonctionnements,  conflits…)

            -Angoisse dû à la position de stagiaire.

 

L’angoisse peut-être à la fois :

 

            -Le signal d’un désir de bien faire  = positif.

            -Source de difficultés (abandon des études ou épuisement professionnel) = il faut comprendre la source de ses difficultés pour surmonter l’angoisse et se faire aider si nécessaire.

            -Source de mauvaises réactions face au patient = il faut repérer ses propres    mécanismes de défenses contre l’angoisse pour ne pas nuire au patient par des comportements inadaptés.

           

 

 

1)    Le mensonge :

 

                   Le soignant va éviter de se confronter à l’angoisse du patient ou de sa famille ainsi qu’à sa propre angoisse en mentant sciemment.

                        Ex : « Tout va s’arranger, vous allez bientôt sortir »

                        Le mensonge donne de faux espoirs au patient, l’entretien dans une illusion qui                        ne lui permet pas de se préparer à l’acceptation de son mal. Il se trouve privé                      du temps nécessaire à la mise en place des mécanismes de dégagements.

 

2)    L’agressivité :

 

                   Le soignant est agressif car il se sent lui-même agressé par la souffrance du                 patient. C’est une façon de le mettre à distance et d’éviter d’être confronté de trop près à ses difficultés psychologiques. Parfois, l’agressivité du soignant vient d’un profond sentiment de culpabilité lié à son histoire personnelle et qui lui rend insupportable son impuissance à soulager le patient.

                        Le patient va se sentir rejeté, abandonné, ou répondre lui-même par de                                  l’agressivité ce qui va rendre les soins difficiles.

 

3)    La banalisation :

 

                   Le soignant ne va s’occuper que de la souffrance physique de son patient.

                        Il occulte la souffrance psychique en se centrant sur les aspects concrets,                                techniques du soin. Le malade reste seul avec sa souffrance psychologique                faute d’être écouté et considéré comme une personne globale et non seulement comme un corps à soigner.

                        Ex : « La césarienne de la 112  » « Le fracturé de la 19 »

 

4)    L’esquive :

 

                     Tout aussi déroutant que le mensonge, dans l’esquive, le soignant répond en                permanence hors sujet, hors de la réalité environnante. Il élude le sujet en égarant le patient sur une autre voie. Le soignant crée ainsi un décalage qui lui évite de s’exposer à sa propre angoisse de la situation.

                        Ex. : -« Croyez-vous que ma fille va venir me voir bientôt ?             

                                    -Et cette purée à midi, elle était bonne madame Duval ? »

 

5)    L’évitement :

 

                        Concerne toutes les situations ou le soignant évite de se retrouver dans une                 situation  qui déclenche chez lui des quantités importantes d’anxiété : entrer dans la chambre de certains patients, éviter de croiser leurs regards chargés de souffrances ou de lassitude, regarder par la fenêtre en donnant les médicaments etc. Le soignant doit alors parler de sa difficulté et rechercher en lui les raisons de cette anxiété pour les surmonter.

                        Certains patients nous renvoient directement à notre condition de mortels, à la                         personne âgée que nous deviendrons tous, ou au « fou » que l’on a peur d’être.

                        Certaines réticences peuvent même conduire à un refus de soigner certains                  patients. Il faut toujours prendre au sérieux ces refus. Nous avons tous nos limites et c’est justement être professionnel que de savoir reconnaître ses limites et ne pas les dépasser pour pouvoir prendre correctement en charge les personnes dont on s’occupe.

 

6)    La dérision :

 

                   Elle consiste à dire au patient que sa souffrance est exagérée.

                        « Allez, allez, un grand monsieur comme vous, y’a pire dans la vie ! »

                        C’est une façon pour le soignant d’échapper encore une fois à sa propre                                angoisse.

                        Le patient se sent incompris, seul, renvoyé au silence. On lui a en quelque sorte                       intimé de se taire.

                        Donner aux patients des surnoms « pour rire » entre soignant, appartient au                 registre de la dérision. Elle peut parfois atteindre des degrés de cruauté et d’irrespect.

                        Ex : les ambulanciers et la « roumaine ».

 

7) L’indentification projective :

 

A l’inverse des autres mécanismes de défense, qui visent à mettre de la distance entre le soignant et son patient, l’identification projective consiste à anéantir la distance en lui attribuant certains traits de soi-même. Le soignant crée un lien fusionnel avec son patient et croit savoir mieux que lui ce dont il a besoin. Il pense également être le seul à s’occuper correctement de ce patient.

Il peut se montrer jaloux envers les autres membres de l’équipe et très envahissant pour son patient qui subit son comportement de toute-puissance et ne peut faire entendre ses besoins réels. Tout en s’impliquant de façon très pesante, le soignant passe totalement à côté de son patient.

 

8) Le ton hypocoristique ou mignard :(Séverine Rezette)

 

C’est un excès d’affectivité dans le ton qui infantilise et peut tendre à mettre à distance le malade en tant qu’adulte.

« Alors ? On a bien dormi, on a bien fait pipi dans son flacon, on va s'habiller maintenant »

Cet excès d’affectivité vient souvent combattre l’angoisse voire la haine que nous inspire en réalité ce patient. Autant de sentiments inacceptables pour le moi.

 

9) L’activisme

 

Le soignant a recours à l’agir, à l’action à la place de la réflexion ou du vécu des affects. Les personnes ayant recours à l’activisme sont plus susceptibles que d’autres de développer des troubles psychosomatiques ou un syndrome de « burning out ».

 

 

 

IV) Les stratégies de coping :

 

 

La notion de coping est récente en psychologie. Elle est issues de l’étude des mécanismes de défenses mais cherche à y incorporer des processus psychologiques impliqués dans les réactions à la fois comportementales (qui relèvent du comportement observable sans tenir compte des processus inconscients) et cognitives (qui relèvent des processus de pensée et des connaissances). Il s’agit donc d’une approche cognitivo-comportementaliste plutôt que psychanalytique. Le coping est essentiel à la résistance au stress.

Coping signifie « faire face », c’est une stratégie d’ajustement à l’adversité.

 

On distingue :

-le coping centré sur le problème = stratégie de « management » de l’évènement.

-Le coping centré sur l’émotion = réguler l’émotion associée à l’évènement stressant.

 

On distingue :

-Coping actif = la personne fait face directement et ouvertement à son problème.

-Coping évitant = la personne évite le problème et cherche à réduire son stress et ses émotions négatives.

 

Certains auteurs (Moos, 1993) ont proposé 4 catégories de base dans le coping actif/évitant :

 

1)    Coping actif/cognitif :

 

         -Analyse logique = trouver des moyens pour résoudre le problème autrement.

            -Recadrage positif = penser à quel point on est mieux que d’autres qui souffrent de     problèmes plus importants.

 

2)    Coping actif/comportemental :

        

         -recherche de soutien = Parler avec un ami

            -Mettre en œuvre une action pour résoudre le problème = Concevoir un plan et le suivre

        

3)    Coping évitant/cognitif :

 

         -Evitement cognitif = complètement oublier son problème

            ou

            -Acceptation résignée = accepter le problème mais perdre l’espoir de retrouver son

            Contentement.

 

4)    Coping évitant/comportemental :

 

            -recherche d’autres activités

            -Décharge émotionnelle = crier pour évacuer une frustration

 

(Voir TD « défenses et coping »)

 

Bibliographie :

 

            -Face à la maladie grave, Patients, familles, soignants.

             Martine RUSZNIEWSKI, Dunod, 1995.


    
     -La crise de la maladie grave,

            Marie-Bernard CHICAUD, Dunod, 1998

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